Pierre SOULAGES - OUTRENOIR
C'est ce que je fais qui m'apprend ce que je cherche. [Pierre Soulages]
Georges MEURANT - de Renée SENS
Filmé le 22 mai à Bruxelles
1/4 Peinture & Perception
2/4 Peinture & Induction
3/4 Peinture & Temps
4/4 A quoi bon l'art ?
L'image fantôme : atlas, sujet, résistances
Damien Cadio
Cliquez sur le lien pour voir la vidéo:
http://www.college-de-france.fr/site/claudine-tiercelin/symposium-2014-10-30-14h00.htm
Obalk chez Taddei - Ce soir ou jamais
cliquer sur le lien :
https://www.youtube.com/watch?v=UVOj9y7BNpg
" Que faut il regarder dans un tableau ? "
Hector Obalk
Hector Obalk, critique d’art, spécialiste de Duchamp, produit des films d’art pour l’émission Grand’Art sur Arte et est le chroniqueur pour les beaux-arts de la revue Elle.
Hector Obalk, critique d’art, spécialiste de Duchamp, produit des films d’art pour l’émission Grand’Art sur Arte et est le chroniqueur pour les beaux-arts de la revue Elle.
Présentation de l'ouvrage
Dany Danino un des membres du jury de juin 2014
https://www.blogger.com/blog-this.g?n=DANY+DANINO.mpg&source=youtube&b=%3Ciframe+width%3D%22459%22+height%3D%22344%22+src%3D%22//www.youtube.com/embed/FqrlXV4l0bA%22+frameborder%3D%220%22+allowfullscreen%3E%3C/iframe%3E&eurl=http://i.ytimg.com/vi/FqrlXV4l0bA/hqdefault.jpg
Le site de l'artiste :
http://danydanino.be/
VIDEO
Gerhard Richter Painting
A New Film Captures the German Impasto Master at Work with His Squeegee
The notoriously secretive creative process of reclusive
German artist Gerhard Richter is exposed in filmmaker Corinna Belz’s new
fly-on-the-wall documentary, Gerhard Richter Painting. Belz
spent three years as an observer in Richter’s Cologne studio capturing
mesmerizing footage of the artist producing his radical abstract works.
As we witness him mixing layer upon layer of bold primary colors,
smearing the wet paint with a giant squeegee and scraping at the
surfaces of the canvases, Richter’s masterpieces appear before our eyes.
“You get the feeling the paintings are staring at you,” says Belz, who
met the painter while filming his vibrant pixelated stained glass window
for the Cologne Cathedral. “There’s a physicality to Richter’s
paintings. I wanted the viewer to become immersed in the subtly
suspenseful cycle of the process.” Belz’s poetic film coincides with
Richter’s 80th birthday and a major retrospective at London’s Tate
Modern spanning five decades of his varied work.
http://www.nowness.com/day/2011/10/7/1668/gerhard-richter-painting?ecid=soc1269
Laurent D'Ursel à propos de l'Art contemporain
Vidéos:
#1 http://www.youtube.com/watch?v=tLah5bEZ71g
#2 http://www.youtube.com/watch?v=sqvdCO8fbEo
#3 http://www.youtube.com/watch?v=BIG0JA4LclQ
#4 http://www.youtube.com/watch?v=6-_iITmAGcY
#5 http://www.youtube.com/watch?v=0aiiGTbiFQA
L’art, au-delà du beau et du laid
VANTROYEN,JEAN-CLAUDE
Comment juger l’art contemporain ? Le philosophe Daniel Salvatore
Schiffer propose de remplacer le critère du beau par celui du sublime,
qui est sans limite, par-delà le beau et le laid.
Daniel Salvatore Schiffer, un philosophe établi à Liège, vient de publier un petit essai...
Daniel Salvatore Schiffer, un philosophe établi à Liège, vient de
publier un petit essai, ardu sans doute, mais qui fait déjà date. Il est
l’objet de débats entre philosophes, comme Onfray, Comte-Sponville,
Roudinesco. Il va devenir un livre de référence dans plusieurs académies
dans le monde, comme Pékin, Lisbonne, Barcelone, Palerme, Milan,
Trêves… Il va aussi se muer, pour la fin 2013, en un livre plus
accessible, richement illustré. Qu’est-ce qui suscite cet intérêt
international ? La méta-esthétique !
C’est un néologisme que M. Schiffer a inventé et un concept nouveau,
révolutionnaire même, qui veut donner les clés intellectuelles,
opérationnelles pour aborder l’art contemporain d’un point de vue
philosophique. Et qui ainsi ouvre des voies, lance des balises, étalonne
des curseurs pour mieux juger l’art contemporain. Non plus à l’aune du
beau, comme jadis. Mais à celui du sublime. Explications.
Les gens sont déboussolés aujourd’hui devant l’art contemporain. Vous aussi ?
Je
suis perplexe. Je connais le milieu de l’art et je me pose des
questions : quelle est la part de réalité et la part de frime ? L’art
contemporain n’est-il pas extrêmement surévalué ? Ne fait-on pas tout et
n’importe quoi ? Qu’est-ce que l’art aujourd’hui ? Je me suis posé la
question en tant que philosophe. Et je me suis dit : plutôt que de
rejeter en bloc ce qui paraît rébarbatif, incompréhensible, essayons
d’aller plus loin, de donner une interprétation philosophique à ce qui, à
première vue, n’en a pas. Si on considère l’histoire, l’art moderne
commence avec l’impressionnisme et l’art contemporain avec Duchamp et sa
fameuse Fontaine, un urinoir renversé, daté 1917. Je me suis dit que le
beau n’était plus un critère nécessaire et suffisant pour aborder,
apprécier, évaluer, juger l’art contemporain. Est-ce que pour autant ce
n’est pas de l’art ? Quel est donc le critère qui peut présider à
l’évaluation de l’art : ce n’est manifestement plus le beau.
Qu’est-ce que le beau ?
Pour Emmanuel Kant, est beau
ce qui plaît, universellement et sans concept. Universel : tout le monde
s’accorde à dire qu’une cantate de Bach est un chef-d’œuvre, quelles
que soient les cultures ; un Japonais qui ne connaît rien à l’art
occidental peut s’émerveiller devant la Chapelle Sixtine ou le Don
Giovanni de Mozart. Et sans concept : c’est-à-dire que ça va de soi. Par
contre, une œuvre d’art contemporaine n’est plus universelle : les
boîtes Campbell de Warhol ne se comprennent que comme reproduction
d’objets de consommation américains. Et elle nécessite un concept : ce
qui compte, c’est la démarche, l’esprit comme pour l’urinoir de Duchamp,
un objet banal qu’il transfigure en œuvre d’art. Ce qui compte
aujourd’hui, c’est le concept et non plus la beauté.
Donc quand on dit que l’art est mort, que nous assistons à la fin de l’art, on se trompe ?
Ce
qui est mort, ce n’est pas l’art, c’est la beauté dans l’art, c’est
différent. La beauté n’est plus l’objet de l’art, pas plus que le bien
n’est aujourd’hui l’objet de la littérature. Il faut passer à un autre
critère. J’ai donc essayé d’être par-delà le beau et le laid comme
Nietzsche est par-delà le bien et le mal. Si ce n’est plus le beau qui
préside à l’art contemporain, qu’est-ce que c’est ? Et je réponds :
c’est le sublime.
C’est quoi, le sublime ?
Le sublime, chez Kant,
incorpore l’informe, le difforme, la laideur et même la peur. Par
exemple des phénomènes naturels, qui dépassent l’entendement, qui
provoquent un sentiment d’angoisse, vous pouvez les trouver sublimes. Le
cri de Munch, les hallucinés de Goya provoquent un sentiment de peur,
de malaise. Quand vous transcendez cette peur, vous la sublimez, ça en
devient sublime. Le sublime, c’est ce qui est au-delà de la limite,
c’est ce qui est grand dans la nature et dans l’homme. Un tableau dont
on dit qu’il est beau, il est toujours dans une limite. Pas l’art
contemporain. C’est du concept, une idée, c’est sans limite. L’art
abstrait, l’art contemporain, est par définition sublime, dans le sens
de « au-delà de la limite ». Donc le sublime s’entend soit comme quelque
chose qui peut incorporer l’informe, le difforme voire le laid ; soit
ce qui n’a pas de limite. L’art contemporain, c’est le sens.
Ça veut dire qu’il ne peut y avoir d’effet immédiat sur le spectateur.
En
effet. Le beau, c’est ce qui plaît. Le sublime, ce n’est pas une
catégorie supérieure du beau, c’est même le contraire, c’est ce qui ne
plaît pas, ce qui terrorise. Mais une grande partie de l’art, c’est ça.
Pour Van Gogh, Munch, Bacon, l’objet n’est plus de peindre la beauté du
monde, mais son propre déchirement intérieur, sa propre angoisse. Lucian
Freud montre les corps obèses et flasques, dans leur nudité cruelle. On
ne peut pas dire que ce soit beau. Ça éveille d’autres sentiments, plus
proches du sublime que du beau.
Vous inventez la notion de méta-esthétique. Expliquez.
Dans
l’antiquité grecque, on appelait les premiers philosophes des
physiciens. Démocrite, Thalès, Epicure expliquaient le monde à travers
les concepts de la physique, qui vient du mot grec qui veut dire nature,
matière. Mais quand la matière ne suffit plus pour expliquer le monde,
on fait appel à des concepts, à des idées. Avec Platon et Aristote, de
la physique on est passé à la métaphysique. Modestement, j’ai reproduit
la même démarche. Quand l’esthétique, en tant que science du beau, ne
suffit plus à rendre compte de l’art, on passe à la métaesthétique avec
le concept du sublime. En réalité, la métaesthétique est à l’esthétique
ce que la métaphysique est à la physique. J’ai essayé d’appliquer à
l’art la même démarche que les philosophes de l’antiquité grecque.
Puisqu’il suffit d’avoir un concept, le critère du sublime
n’est-il pas alors le satisfecit donné à toute œuvre d’art aujourd’hui ?
C’est
le grand danger. On évacue l’aspect formel, technique de l’art, du
savoir-faire de l’artiste. Et ça peut déboucher sur tout et n’importe
quoi. Je vais dans une déchetterie, je vole des paires de chaussures
avec des lacets, je les installe avec une machine à écrire et de la
vieille vaisselle. Dans une galerie d’art réputée, ça peut être
considéré comme génial. Je ne suis pas d’accord avec ça. L’aspect formel
doit aussi être pris en compte. C’est le cas chez Bacon, Lucian Freud,
Giacometti. S’arrêter au seul concept ne suffit pas. C’est un aspect que
j’aurais dû davantage développer : on ne peut pas au nom du concept
justifier tout et n’importe quoi. Mais on ne peut pas non plus
systématiquement rejeter l’œuvre parce qu’elle ne rentre pas dans un
cadre normatif qui est celui du beau.
Ça exige du spectateur un effort d’information, de compréhension.
Oui,
ça exige une information, un minimum de culture et de savoir. Et c’est
le cas dans la musique contemporaine, dans beaucoup de domaines.
Aujourd’hui, en 2012, on reste ancré dans une vision passéiste et
traditionnelle de l’art, ce qui provoque des réactions conservatrices
voire réactionnaires, contre lesquelles je m’insurge. A l’opposé, il ne
faut pas applaudir tout et n’importe quoi. C’est pour cela que cette
méta-esthétique est une discipline qui s’efforce de dépasser
l’esthétique pour privilégier le concept, le contenu, l’idée, sans
toutefois négliger l’aspect formel. Il faut les deux. Le problème c’est
qu’aujourd’hui, on est dans les deux excès et moi j’essaie de faire la
synthèse.
La peinture de M.Borremans
Vlaamse Kaai
du vendredi 1 juin sur RTB
Cliquez sur le lien pour voir l'émission:
http://www.rtbf.be/tv/revoir/detail_vlaamse-kaai?uid=121391085668&idshedule=96c0492bec4b7518ce7f196ffacf6bbd&catchupId=12-TABMA002-005-PR-1&serieId=12-TABMA002-000-PR
du vendredi 1 juin sur RTB
Cliquez sur le lien pour voir l'émission:
http://www.rtbf.be/tv/revoir/detail_vlaamse-kaai?uid=121391085668&idshedule=96c0492bec4b7518ce7f196ffacf6bbd&catchupId=12-TABMA002-005-PR-1&serieId=12-TABMA002-000-PR
Philosophie
G Deleuze: L'art libère la vie que l'homme a emprisonnée
Vidéo :
http://www.youtube.com/watch?v=FuS9B-2nG0o&feature=share
Peindre et philosopher...
Quels points communs peuvent exister entre peinture et philosophie sachant qu’il s’agît de deux rapports au monde vraiment différents, plus exactement de deux pratiques apparemment sans lien, étrangères l’une à l’autre ? Pour tenter de répondre à cette question, il convient de rappeler ce qui fait la singularité ou, mieux encore, l’identité d’un peintre et d’un philosophe.
Qu’est-ce donc qu’un peintre ?
Il
n’est rien d’autre qu’un homme, planté quelque part au milieu du
visible ou dans son atelier, un pinceau à la main, face à un toile
blanche sur laquelle vont s’ordonner lignes, formes, volumes, lumière
et couleurs jusqu’à un point d’achèvement ou d’échec dont lui seul
décidera. Un peintre au travail est en un sens totalement inscrit dans
cette pratique, dans l’ensemble de ces gestes qui, pour le profane,
restent mystérieux, parce que au point d’impact entre le pinceau et la
toile s’ordonne un visible qui témoigne de ce qui est vu et de ce par
quoi il a été ému. Mais plus encore, ce visible est comme
transfiguré par l’acte même de création de sorte que nous assistons
à la naissance d’un sur- visible.
Qu’est-ce donc qu’un philosophe ?
Que
dire de lui ? Qu’il est un homme comme les autres et que son travail
consiste à démêler le vrai du faux, l’apparence de la réalité, le
sens du non-sens ou de l’absurde...Toujours est-il que ce n’est pas le
visible qui est pour lui un défi, mais bien plutôt la langue et, plus
particulièrement le langage, tout inscrit qu’il est dans ses plis et
méandres. Le « logos » est donc le milieu du philosophe et sa pratique
reste sans doute cet effort sans cesse repris pour tenter d’atteindre
une parole claire sur fond d’horizon de vérité. Le philosophe
travaille le langage pour en tirer des concepts capables de lui
permettre de penser le monde et son angoisse à lui reste celle de la
feuille blanche.
Que peuvent-ils donc avoir en commun, si ce n’est en partage ? Une quête de sens ? Une réflexion sur le monde, les choses et la place de l’homme en lui ? Tous deux ont au moins en partage ce pari, ce défi et ce risque de l’expression. Avons-nous d’ailleurs d’autres espérances possibles pour tenter d’être nous-mêmes et de nous appartenir sans nous risquer sur les sentiers de l’expression ? Mais pour aller à l’essentiel disons que la peinture est beaucoup plus vieille que la philosophie, qu’elle déchire la nuit de la préhistoire en fissurant l’obscurité immémoriale qui nous origine du côté de l’animalité pour enfin laisser entrevoir les balbutiements de l’humanité naissante, celle qui ainsi revendique sa place dans la nature. Quant à la philosophie occidentale, elle se construira à partir du VI°siècle AV J-C et reconnaîtra en Socrate un, si ce n’est son père. C’est dire que l’aventure picturale, celle du jeu de la représentation, n’en n’a jamais fini de nous donner quelque chose à voir du monde, de choses, des animaux et de l’homme. Elle nous a fait entrer dans la dimension esthétique signe tangible de notre humanité. La philosophie aura, quant à elle, à se séparer des mythes, de la poésie et de la science pour tenter d’être cette recherche rationnelle et critique de la vérité seule capable de lui donner son identité.
Ainsi nous pouvons pour l’instant nous appuyer sur cette définition du peintre et du philosophe : l’un pense le monde en peinture, l’autre en mots et en concepts. Suffit-il de ce pont qu’est la pensée pour qu’ils soient en un sens capables de dialoguer, pour que la peinture enfin soit prise au sérieux et ne soit plus reléguée du côté de la seule imitation ou décoration ? Comment vraiment peut-on penser pouvoir parler de peinture en sachant que le peintre reste celui qui délibérément a choisi le parti du silence de la configuration visible ? Pourquoi la philosophie se doit-elle d’interroger le voir du peintre ? Autant de questions sur lesquelles il faut se risquer.
Georges Meurant- Membre du jury 2012
L'Œuvre résiste à la pression culturelle ...
du moins la mienne
100 x 100 cm - 2008
Ma peinture ne s'inspire pas
des Modernes, elle se serait plutôt nourrie de géométries africaines, où la
forme est toujours le résultat d'un mouvement linéaire – mais qui pratiquent
peu la couleur. Vingt ans de chasse en collectionneur, trente ans d'études des
arts primitifs m'ont surtout appris à distinguer l'œuvre qui s'impose
durablement parmi le nombre des artefacts produits en réponse à la demande
culturelle.
Mes livres 1 et des
expositions ont fait connaître le dessin Shoowa, la peinture Mbuti, la
sculpture tanzanienne et la sculpture Oubanguienne par leurs œuvres, fraction
infime des artefacts rencontrés par dizaines de milliers. J'ai appris
l'indigence du discours esthétique en réinventant, avec d'autres, une
hiérarchisation qualitative qui fut corroborée par le marché. Dans un film
consacré aux collectionneurs d'arts primitifs, Kerchache, le marchand qui
convainquit Chirac de faire entrer les Arts Premiers au Louvre, montre une
belle sculpture Mumuye, puis une autre qui apparaît très supérieure, puis une
troisième qui surclasse les deux autres en densité, énergie, présence – un chef
d'œuvre, dit-il. Une œuvre en tous cas, parmi le nombre des artefacts qui
présentent une typologie identique répondant à la même injonction culturelle.
Dans ce film, Baselitz raconte
qu'un marchand bruxellois a refusé de lui vendre un ba-Kongo. Le peintre
accepta un honnête Teke. Il montre ensuite la collection de Teke qu'il a
constituée : deux cents pièces similaires, de meilleures et de moins bonnes,
qui illustrent la démultiplication d’analogues interchangeables, la
déshiérarchisation des valeurs, la vision de l'art de la consommation
culturelle. Au connaisseur l'œuvre, au consommateur le stéréotype, la série, la
convention culturelle.
Un tel point de vue part de l'art moderne pour en venir
au concept comme par une évidente continuité. La révolution véritable des
Modernes fut pourtant la prise de conscience par Cézanne des réflexes
perceptifs automatiques par lesquels le monde nous apparaît, dont la lente
expérimentation lui fit produire l’espace en croissance si singuliers de ses
« Montagnes » : il abandonnait la construction ou la convention
d'un espace pour une tension spatiale, une énergétique, un
« espace-temps » *. C’était un retour à la nature dans la
profondeur humaine et plus seulement par le motif. Les cubistes n'y virent que
la forme, ils revinrent à la construction de l'espace par une perspective de
plus.
Les Modernes ont donc débattu
de la forme, certains ont compris la tension spatiale et réinventé la
picturalité en renouant, par le recours délibéré aux automatismes perceptifs,
avec la source de la création, un en-deçà de la conscience et de l’intellect.
Cette tendance optait résolument pour la phénoménalité qui rend l'art à la personne
humaine, lorsque le nihilisme Dada puis la réaction surréaliste, des courants
orchestrés par des littéraires, réinvestirent dans le signifié. La charge
psychosémantique remplaça l'injonction magico-religieuse ou idéologique qui
jadis commanditait l'œuvre sacrée ou profane.
Le Pop Art emprunta encore un
temps sa facture à la peinture, mais persister dans la difficulté et la lenteur
de la main eût été stagner dans un sous-développement culturel. Le traitement
de constats mécaniques, de matériaux réutilisés ou détournés, permit une
création rapide, réduite à la fonction de communication que la société de
consommation parvint à imposer jusque dans l'art.
L'art postmoderne montre une
réalité avérée : celle du système économique auquel il adhère au point de
perdre bientôt, avec la peinture, une part de son humanité. Cet art exploite en
effet des codes calqués sur ceux à travers lesquels notre système de
production, en expansion fulgurante depuis l'usine du XIXe siècle, maîtrise la
société des pays développés. Pour écouler une production virtuellement infinie,
cette machine programme les comportements collectifs et l'inconscient personnel
des consommateurs de ses produits. Elle réduit ce qui peut être vendu à un jeu
de significations ou de signes permutables dont l'échange constitue un langage
commun. Les décodant, le citoyen s'identifie aux signes orchestrés par la
publicité, dont la pression sur la personne conjugue les leçons des propagandes
totalitaires europénnes et le pragmatisme d'outre-Atlantique. Les objets et
services vendus, culturels notamment, relèvent du mécanisme qui manipule le
citoyen, l'irresponsabilise, l'infantilise, l'aliène.
L'art Conceptuel, la
Performance, l'Installation multiplient des artefacts ou des événements
créatifs dont la fréquentation exclut la durée, le saut au-delà des générations
et donc des contingences culturelles. Supplantées par les aperçus de nouvelles
curiosités, actualisées dans un recyclage constant qui ouvre l'ère de la
répétition continue, ces expressions visent le champ des communications
collectives. Elles ciblent une large classe moyenne de gens confrontés
solitairement, comme ils le seraient à l'œuvre d’art mais sans que celle-ci
leur ouvre une relation à eux-mêmes, à la combinatoire de signes par laquelle divers
mécanismes d'adhésion à tel segment social affirment l'inexistence individuelle
dans l'efficience du discours collectif. Selon
elles, l'art serait nécessairement un langage : une combinaison de signes,
d'icônes, d'images, de références organisées selon des codes appris et
échangés. Cet art de communication est celui d'une société de consensus
total : promu par les média, le marché (qui mise sur la démultiplication
produits), le politique (par l'enseignement, la subvention, le centre culturel,
l'usine désaffectée maquillée en musée). Cet art archive ce qui est
médiatisable. La reproduction ne restitue que l'apparence de l'œuvre, pas ce
qui l'impose à la personne réelle et la définit esthétiquement.
Le public des médias (celui du
politique) consomme de l’artefact, il ignore l'œuvre. La société soutient l'art
qu'elle comprend. Au bourgeois les Pompiers, au consommateur le kitsch, le
faux-semblant, le virtuel. L'art de la société de consommation est l'art
officiel d'aujourd'hui. Comment cela est-il advenu ?
L'esthétique classique
prétendait à l'universalité, elle ne put rencontrer les arts d'Outre Mers,
Paléolithiques, Primitifs, Naïf, Brut, pas plus qu'elle ne comprit la recherche
cognitive des Modernes, qui affirmèrent l'universalité de l'art, dégageant les
racines qui nous lient à une préhistoire commune à l'humanité entière. 40
millénaires d'exploits actés dans la matière concrète nous renvoient à ce que
nous sommes, des animaux en devenir d'une humanité partagée entre nature et
culture, culturellement multiple, physiologiquement une.
L'ère des canons historiques
du Beau était bien close. Des esthéticiens furent pris au piège de la théorie
du langage apprise des linguistes par les anthropologues structuralistes.
Apparut le concept de langage artistique (le geste créateur n'accomplit jamais
la complexité d'une grammaire). La nécessité de l'esthétique fut niée, son
objet accaparé par des sémiologues et des sociologues qui réduisirent l'art à
une fonction de communication. La culture est langage, certainement, mais pas
l'art. Ce n'est pas le message qui fait l'œuvre, même si celle-ci porte encore
le prétexte qui l'initie, l'injonction qui la commandite ou quelque affirmation
qu'il lui faut dépasser sous peine d'y être réduite. L'œuvre ne relève pas de
la signification produite ou véhiculée mais de la force qu'elle génère.
La jouissance de l'œuvre ne
nécessite aucun acquis culturel. A l'opposé, l'art de la société de
consommation exige la compréhension de la chaîne de concepts qui
l'explique et justifie. L'artefact répond au culturel, ce qui fait l'œuvre ne
relève pas de cette nécessité. Comme l'écriture, la culture se fonde sur une
mémoire d'éléments homogènes ou homogénéisés et se développe dans un temps
transitif. A l'opposé, l’action artistique s’accomplit hors mémoire. D’éléments
hétérogènes elle construit de la tension par contrastes ou par oppositions, au
présent étale qu'instaure l'attention de son acteur (créateur ou percevant) –
ce temps n’est ni instantané ni transitif. Lorsque l'artiste outrepasse l'artefact
dans l'œuvre, opère cette manifestation dont nous ressentons tout entiers
l'action. Sa force nous travaille au corps, nous prend, nous garde, son
souvenir nous ramène à elle. Elle se renouvelle d'elle-même.
A défaut d'esthéticiens, des
artistes s’étaient intéressés aux créations primitives, posant la question de
l'art. Le poète Carl Einstein (NegerKunst, 1915) découvrit que dans
chaque cas, les renseignements tant historiques que géographiques ne permettent
pas d'apporter la moindre précision sur les faits d'art comme tels.
L'anthropologue Luc De Heusch (Utotombo, 1988) ajoute il n'existe aucune
corrélation entre la forme et la fonction sociale de l'objet. C'est
admettre qu'on ne lira pas dans la forme le signe de la fonction culturelle. Il
ne s'agit pas non plus de dire, comme les idéologues du Design, enlevez le
contenu et gardez la forme, vous aurez la partie esthétique de tout mode de
création. La forme fait obstacle à la compréhension de l’œuvre tant qu'elle est
perçue comme une fin et non comme résultante et facteur, élément du processus
complexe par lequel des formes participent à la tension d'un
espace. Etudier un langage de la forme, c'est s'interdire de
rencontrer, de connaître l'œuvre d'art : celle-ci n’est assumée que par le
vécu des interactions entre ses formes et les autres facteurs qui travaillent à
sa spacialisation.
Tandis que s'achève
l'inventaire des créations passées, progresse une esthétique en phase avec les
avancées des sciences exactes, qui constate l'efficience du concept de force
dans la rencontre des œuvres de toutes cultures et époques. L'art est question
d'espace, d'intégration de forces. Il procède par actions-réactions, paradoxes,
oppositions ou contrastes, parvenant ainsi, dans l'œuvre du moins à agir
en-deçà de notre conscience, là ou s’effectue la sensation globale que nous
avons de nous-mêmes, où il puise toute son énergie. L'œuvre est alors support
de toutes les émotions.
Par ailleurs est toujours tentée ici ou là, en avance,
en retard ou de son temps, la création fondée dans conviction de l'artiste, son
adhésion à lui-même, son abandon à la plénitude perceptive qui lui permet
d’atteindre son propre secret, par lequel il advient qu’il outrepasse et son
moment et sa culture. Cet art-là n'a rien à dire – il montre, il agit, il
travaille à l'émancipation des individus dont la communauté édifierait cette
société responsable, démocratique, réelle, à laquelle la plupart
aspirent.
A l'opposé, l'art de la
consommation, de l'indistinction, de la confusion ou de la négation des
valeurs, l'art officiel contribue à réduire la personne au rôle passif de
consommateur économique, social ou politique. Cet art qui s'affirme
contemporain à l'exclusion de tout autre n'est somme toute qu'un phénomène de
classe moyenne. N'en restera que la littérature qui l'encode et l'archive sans
fondement scientifique véritable. Aujourd'hui l'anthropologie a abandonné
l’outil structuraliste, qui fut le Cheval de Troie du langage comme norme du
discours sur l'art.
Qui visite le Moma nouveau
(New York) découvrira que plus de la moitié du musée est consacrée aux arts de
l'individuation (peinture et sculpture), un quart aux arts de socialisation
(architecture et photographie), un quart au Design (de la locomotive à la
fourchette). Des gens achètent aujourd'hui encore la peinture pour leur
jouissance, leur édification personnelle et celle de leurs enfants. Des
marchands engagent leur moyens propres pour la faire valoir et en tirer profit.
La mienne est ainsi acquise par de telles personnes qui n'ont pas renoncé à
évoluer, à fonder. Tentant l'œuvre, l'accomplissant parfois (on le dit) 3,
ma peinture résiste à la pression culturelle, comme l’art le fait depuis
toujours, dont l’exercice paraît aussi ancien que l'humanité.
Georges
Meurant
peintre,
essayiste
Texte d'une conférence à l'ISELP le 17 02
2005 in : MEMOIRES La Lettre mensuelle La
Lettre d'Avril, www.art-memoires.com
Notes
1 Meurant, Georges – notamment
:
Shoowa Design.
London : Thames & Hudson 1986 / New York : Norton & Co., 1986,1988,
1995.
Mbuti Design. London : Thames and Hudson / New York : Norton
& Co. Inc., 1995.
2 Guiraud,
Jean. Cézanne. De l’inscrit à l’induit. Louvain-la-Neuve : Bruylant Academia, 2006
3 Guiraud, Jean. Le Champ Figural – Un regard sur la peinture de Georges Meurant.
Bruxelles: Didier Devillez Editeur.
Edwige Fouvry - Membre du jury 2012
Les tableaux d’Edwige se
situent entre le réel et l’imaginaire, ils parlent des émotions issues
du passé, des souvenirs, de la déformation que ceux-ci subissent avec le
temps.
Les peintures sont longuement travaillées, en couches successives, donnant profondeur et subtilité à la matière.
Souvent se
dégage une atmosphère particulière où le spectateur fera partie
intégrante de l’histoire dévoilée ou chuchotée dans chaque toile.
Edwige travaille également sur de petits formats mélangeant de nombreuses techniques : aquarelle, crayon, vernis, encres, etc…
« Il s'en
dégage une impression de grande intériorité, une part de mystère aussi,
je pense entre autre à ces visages que l'on voudrait mieux connaître et
nous renvoient à nos propres interrogations. C'est une expérience que
j'ai vécue avec intensité.
J'aime
beaucoup celui représentant des enfants aux bulles de savon, avec le
contraste des couleurs sombres et lumineuses et la légèreté des bulles
qui réhausse la gravité des attitudes entièrement consacrées au "jeu"
comme soulignant l'éphémère innocence de l'enfance ... Beaucoup de
poésie, beaucoup d'émotions contenues. »
Xavier Aubert.
Daniel Arasse
Vidéos :
http://www.dailymotion.com/video/x88zry_la-pensee-peinture_webcam?start=82
http://www.dailymotion.com/video/x9688z_le-detail-du-tableau-qui-fait-ecart_webcam?start=2
http://www.dailymotion.com/video/x89b96_pas-de-tableau-prefere-mais_webcam?start=1
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire